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Soutenance d'HDR de Florian Delerue Enseignant-chercheur ENSEGID et UMR EPOC
Résumé :
Les écosystèmes métallifères, caractérisés par des sols riches en divers éléments métalliques, imposent une contrainte importante aux organismes vivants, notamment aux plantes. Ces écosystèmes peuvent être spontanés, comme les écosystèmes serpentiniques, ou liés aux activités humaines minières et sidérurgiques.
De nombreuses recherches ont étudié les adaptations physiologiques des plantes métallicoles tolérantes à une forte exposition aux métaux. Des études moléculaires ont aussi permis de mettre en évidence les gènes impliqués dans cette tolérance et leur sélection au cours de l’évolution. La capacité singulière de certaines plantes hyper-accumulatrices, qui sur-concentrent les métaux dans leurs feuilles, a stimulé la plupart de ces recherches. Dans le travail présenté ici, les conséquences d’une forte exposition aux métaux sont abordées à des échelles supérieures moins étudiées : celle de la plante entière et celle des interactions entre plantes.
Concernant la plante entière, les recherches visent à comprendre les conséquences des adaptations liées à la survie et à la tolérance au stress métallique sur la croissance et la reproduction. Comprendre ces conséquences implique d’analyser les compromis fonctionnels entre ces fonctions primaires. Le concept d’allocation optimale des ressources entre les différents organes des plantes a été mobilisé. Il a été démontré que, pour des plantes sensibles, l’exposition à un stress métallique provoque une modification de la morphologie racinaire et une moindre disponibilité des ressources du sol. Ensuite, l’allocation des ressources aux racines augmente pour compenser cette perte. L’étude des traits fonctionnels de nombreuses espèces métallicoles a montré les correspondances entre les stratégies d’adaptation aux métaux (exclusion ou accumulation dans les parties aériennes) et des axes fonctionnels identifiés dans la littérature. Les espèces accumulatrices ont une position spécifique sur l’axe du « Leaf Economic Spectrum », suggérant une exploitation active des ressources du sol et une forte photosynthèse. À l’inverse, les espèces qui évitent le transfert vers les parties aériennes adoptent des stratégies plus conservatrices de nutriments. Ces relations révèlent une diversité écologique inconnue parmi les plantes métallicoles.
Une fois les compromis et stratégies fonctionnelles mieux compris, l’évolution des interactions entre plantes le long de gradients de contamination métallique a été étudiée. Le cadre théorique mobilisé est l’Hypothèse du Gradient de Stress (SGH), qui prédit l’évolution de ces interactions avec l’augmentation des contraintes environnementales. Les effets de ces interactions ont été évalués, qu’il s’agisse de modifications micro-climatiques sous la canopée des plantes métallicoles ou des changements des propriétés du sol près de leur rhizosphère. Globalement, les interactions observées confirment la SGH. La facilitation domine dans les environnements fortement contaminés. Les espèces accumulatrices, avec leur forte photosynthèse, produisent des effets micro-climatiques favorables pour les plantes voisines via une atténuation de la sécheresse de l’air. Elles produisent également une litière concentrée en métaux, induisant des effets négatifs sur les plantes peu tolérantes dans des environnements moins contaminés. Ces résultats précisent les conditions d’application de la théorie de l’allélopathie élémentaire, selon laquelle l’hyper-accumulation confère un avantage compétitif.
Enfin, les orientations futures des recherches incluent la caractérisation de la distribution des métaux dans les organes des hyper-accumulatrices, l’étude des syndromes fonctionnels racinaires et des effets de complémentarité entre espèces facilitatrices sur sols contaminés. Les perspectives concrètes incluent la végétalisation des sites contaminés et le développement de l’agromine.